Le système de notation nutritionnelle est au centre d’une fracture entre les membres du gouvernement français.
Le Nutri-Score réformé va-t-il enfin entrer en vigueur sur le territoire français ? Rien n’est moins sûr, alors que trois ministres du gouvernement s’apprêteraient d’après Le Monde, à signer l’arrêté fixant les nouvelles de cet outil de notation nutritionnelle.
« La signature est imminente, » aurait déclaré le cabinet du ministre de l’Économie Éric Lombard au quotidien du soir, mercredi 12 mars. Une annonce consécutive à l’engagement « clair » pris quelques heures plus tôt, selon RMC, par ses collègues Catherine Vautrin du Travail, et Yannick Neuder de la Santé, en faveur d’une « application très rapide » du texte.
Cela aurait pu représenter une démarche salutaire aux yeux des nombreux militants de ce système d’étiquetage, qui évalue la qualité des aliments à travers son code de cinq couleurs allant du vert au rouge et de lettres de A à E.
Car l’arrêté attend d’être signé depuis 14 mois. Une période durant laquelle six autres pays européens ayant adopté le Nutri-Score – l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse – ont eu le temps de mettre en application le nouveau calcul.
Opposition frontale de la ministre de l’Agriculture
Mais le logo ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement français. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a ainsi exprimé la semaine dernière ses réticences sans détour devant le Sénat.
« L’arrêté est à ma signature. Je n’ai pas encore signé, je ne sais pas quelles sont mes marges de manœuvre pour en corriger les effets négatifs, mais croyez bien que je m’y intéresse de très près », avait-elle déclaré.
Elle déplore notamment que « le classement de produits remarquables comme le roquefort, le comté ou toutes les magnifiques salaisons françaises » soit « très mauvais : jugés trop gras ou trop sucrés« .
Cette opposition ministérielle épouse celles d’autres pays comme l’Italie par exemple, qui accusent le dispositif de pénaliser leurs produits emblématiques. De quoi contraindre l’Union européenne, précédemment engagée à proposer un système d’étiquetage nutritionnel commun aux Vingt-Sept, à y renoncer.
Santé publique contre tradition culinaire
Alors que Matignon reste muet au sujet de la friction en cours entre ses ministres, les défenseurs du Nutri-Score accroissent la pression. Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre François Bayrou le 7 mars, les organisations France Assos Santé, Réseau Action Climat et Foodwatch ont ainsi appelé à faire publier sans délai le décret permettant l’application du nouveau mode de calcul.
« On ne négocie pas avec la science, et on ne transige pas avec la santé de nos concitoyens« , ont-elles mis en garde, selon Le Monde.
« La ministre de l’Agriculture bloque de façon décomplexée un outil de santé publique validé depuis 2023, alors qu’elle n’a pas les compétences pour remettre en cause les décisions scientifiques qui le sous-tendent« , s’est indigné de son côté, dans les colonnes du Monde, le professeur d’épidémiologie Serge Hercberg, participant à la conception de cet outil.