Une enquête met en lumière la teneur excessive en sucres ajoutés dans les produits distribués par la firme suisse sur les marchés africains, à la différence de ceux proposés dans d’autres régions du monde.
Une nouvelle fois, Nestlé se retrouve sous le feu des projecteurs, empêtré dans un badbuzz. Une investigation menée par l’organisation suisse Public Eye révèle que le fabricant aurait vendu en Afrique des céréales pour bébés contenant des quantités significatives de sucre ajouté, alors que les mêmes produits commercialisés en Europe n’en contiennent pas.
L’étude, réalisée avec des partenaires de la société civile dans plus de vingt pays du continent, s’est concentrée sur la marque Cerelac, produit phare de la multinationale pour les nourrissons à partir de six mois.
Les chercheurs ont recueilli près d’une centaine d’échantillons à travers l’Afrique pour les soumettre à des analyses en laboratoire. Résultat : plus de 90 % contenaient du sucre ajouté, avec une moyenne de 6 grammes par portion, soit environ une cuillère et demie à café. Certains lots, notamment prélevés au Kenya, atteignaient même 7,5 grammes par portion.
Un fossé frappant entre les marchés
Parallèlement, les enquêteurs ont constaté que de nombreuses versions européennes de Cerelac ne contenaient aucun sucre ajouté. Public Eye dénonce de fait, ce qu’elle qualifie de « double standard », une pratique qui consisterait à appliquer des normes de qualité différentes selon les régions du monde.
« Vous savez faire les choses différemment. Mais vous avez pris une décision délibérée de nourrir les enfants en Afrique avec des options moins saines« , écrivent dans une lettre adressée à Philipp Navratil, directeur général de Nestlé, dix-neuf organisations africaines de la société civile et de défense des consommateurs, citées par The Guardian.
Cette interpellation résonne d’autant plus que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise l’absence totale de sucres ajoutés dans l’alimentation des enfants de moins de trois ans.
Selon les experts en nutrition pédiatrique sont unanimes, l’exposition précoce au sucre peut façonner durablement les préférences gustatives des enfants et ainsi les orienter vers une alimentation trop sucrée tout au long de leur vie.
Discours contradictoires et bataille de récits
La consommation de sucre dès le plus jeune âge est par ailleurs associée à des risques accrus de caries dentaires et d’obésité infantile, avec des conséquences potentiellement graves à l’âge adulte.
Face à ces accusations, Nestlé juge le rapport « tendancieux » et « scientifiquement erroné ». Le groupe assure se conformer strictement aux réglementations locales dans chacun des pays où il opère, tout en respectant les standards internationaux.
Pour l’entreprise, le véritable fléau en Afrique n’est pas l’obésité, mais la malnutrition, en particulier les carences en fer, et les céréales enrichies joueraient un rôle clé dans l’apport en micronutriments nécessaires.
En avril 2024, Public Eye avait déjà publié un rapport révélant que Nestlé ajoutait du sucre dans ses aliments pour bébés vendus dans des pays à faible revenu, notamment en Inde, alors que ces mêmes produits en étaient exempts sur les marchés européens.
