Derrière l’apparente simplicité des choix alimentaires se dissimulent des stéréotypes sociétaux tenaces, à commencer par l’association erronée entre viande et virilité.
En août 2022, lors des Universités d’été d’Europe Écologie – Les Verts, la députée Sandrine Rousseau déclarait qu’« il faut changer de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité ».
Cette déclaration, largement relayée par les médias, a provoqué un tollé dans la classe politique, notamment à droite et à l’extrême droite. « Quand le grotesque atteint son paroxysme… Stop à ces délires ! », s’était indigné Éric Ciotti, alors membre des Républicains.
Florian Philippot, fondateur des Patriotes, a quant à lui dénoncé un sujet futile. Pourtant, l’enjeu est bien réel, comme l’a rappelé plus tard Clémentine Autain – alors députée La France Insoumise – sur BFMTV.
« Les femmes mangent deux fois moins de viande rouge que les hommes. Les personnes qui deviennent véganes ou végétariennes sont majoritairement des femmes », a souligné l’élue de Seine-Saint-Denis, citant des études sociologiques.
Un héritage préhistorique ancré dans la viande
L’alimentation, loin d’être un simple acte biologique, constitue effectivement un langage politique où s’expriment identités de genre, rapports de force et résistances. Ce phénomène remonte à la préhistoire, quand s’est établie une répartition des rôles assignant la chasse aux hommes et la cuisine aux femmes, selon les travaux de l’anthropologue italienne Paola Tabet citée par Le Monde.
La viande rouge se trouve au cœur de cette construction culturelle renforcée depuis par les campagnes publicitaires, entre autres facteurs. La consommation carnée représente ainsi une façon d’affirmer sa place dans la hiérarchie, à rebours de la réalité.
L’acteur américain Arnold Schwarzenegger, icône du culturisme (ou bodybuilding en anglais) converti au véganisme, dénonçait ainsi en 2019 ces campagnes marketing en des termes on ne peut plus clairs.
Le patriarcat et le carnisme
« Le steak, c’est pour les hommes… Ils diffusent ces publicités — hamburgers, George Foreman avec son grill et sandwich épique… C’est du marketing formidable, formidable pour l’industrie de la viande, qui vend l’idée que ‘les vrais hommes mangent de la viande’. Mais il faut comprendre que c’est du marketing. Ce n’est pas basé sur la réalité », a-t-il affirmé dans une séquence du documentaire The Game Changers, rapportée par le magazine People.
Cette polarisation alimentaire genrée transforme chaque repas en un acte politique. Comme le rappelle Carol J. Adams, « le patriarcat et le carnisme partagent une structure commune : ils transforment des êtres en objets, et les objets en consommation« .
Repenser le rapport à la nourriture, c’est donc plus qu’une « déconstruction de nos hommes » comme le croit Nadine Morano, c’est révéler que l’alimentation dépasse largement le simple besoin vital.