France : la feuille de route sur l’alimentation dans l’impasse

L’initiative de promotion d’une alimentation durable, respectueuse de l’environnement et de la santé, fait l’objet d’un intense lobbying. Plusieurs points sensibles bloquent les discussions, dont la consommation de viande.

Attendue depuis plus de deux ans dans le cadre de la loi Climat et résilience de 2021, la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) n’est toujours pas publiée, car désormais victime d’une bataille de mots qui révèle les luttes d’influence au sein du pouvoir, alors que les enjeux sanitaires et climatiques sont urgents.

Ce document stratégique destiné à impulser une transition agroécologique et à mieux intégrer les enjeux environnementaux et de santé publique dans les politiques alimentaires devait être publié le 5 septembre dernier, après des années de tergiversations et de consultations. Il n’en a finalement rien été.

En cause : la modification unilatérale d’un texte pourtant validé deux jours plus tôt, le 3 septembre, par les ministères de l’Agriculture, de la Santé, de l’Écologie et Matignon, alors sous la direction de François Bayrou, révèle Le Monde.

Là où les ministères avaient acté « une réduction de la consommation de viande », Matignon impose désormais « une consommation de viande équilibrée ». À l’origine de cette modification figure Louis de Redon, conseiller agriculture à Matignon, qui aurait agi unilatéralement.

La viande, un sujet explosif depuis quatre ans

Au grand dam des ministères de la Santé et de la Transition écologique ont réagi avec fermeté, qualifiant cette réécriture d’« inacceptable ». En effet, il ne s’agit pas d’un simple jeu sur les mots.

Depuis le lancement des discussions sur la Snanc, la question de la viande témoigne d’une bataille rangée à plusieurs enjeux, comme l’indique Le Monde. Au fil des mois et des versions successives, une valse-hésitation sémantique s’est installée : faut-il « réduire », « limiter » ou « modérer » la consommation carnée en France ?

Chaque terme charrie son lot d’implications politiques et économiques que les acteurs du secteur scrutent avec la plus grande attention. Pourtant, les recommandations scientifiques sont sans équivoque sur l’impérieuse nécessité de consommer moins de viande face à l’explosion des émissions françaises de gaz à effet de serre d’origine agricole dues à l’élevage.

Une stratégie nationale prise en otage

La question des objectifs chiffrés est un autre point d’achoppement. En effet, même si le texte initial parlait de « réduire » la consommation de viande, aucun chiffre précis n’était prévu, à en croire Le Monde.

Le texte se contente de prévoir un « suivi » de la consommation de viande et des importations. L’encadrement de la publicité alimentaire y brille également par son absence en raison de l’opposition du ministère de la Culture, inquiète des risques d’une baisse des recettes publicitaires pour l’audiovisuel.

Avec la fin du gouvernement Bayrou, la Snanc s’éloigne. D’autant que le nouveau locataire de Matignon, Sébastien Lecornu, est plus préoccupé par le budget. Une situation que le Réseau Action Climat juge « irresponsable », selon le quotidien du soir.

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